Le nouveau congé paternité, un grand pas pour Emmanuel Macron, un petit pas pour les françaises. Décryptage.
Le 4 Octobre 2020, Elisabeth Borne, ministre du travail, rappelait que “la crise économique (liée au Covid, ndlr) ne doit pas faire passer au second plan la lutte contre les inégalités salariales” entre les femmes et les hommes. Des écarts qui persistent pourtant, à hauteur de 9%, malgré le changement de paradigme qui se met en place peu à peu à l’ère post-Me Too. En 2021, les françaises travaillaient gratuitement à partir du 3 novembre, selon le décompte désormais annuel de l’association Les Glorieuses.
Les raisons de cet écart sont culturelles et (malheureusement) systémiques :
Il y a d’abord les bons vieux biais cognitifs qui ont la vie dure : les femmes sont plus sensibles, moins assertives, et donc moins volontaires. Elles sont hormonales, donc d'humeur changeantes. Elles sont hystériques plutôt qu'autoritaires, etc. Pour ne citer qu’une partie de ces pensées “automatiques” qu’on nous a transmises et qui sont désormais bien intégrées dans notre schéma de réflexion, malgré le fait qu’elles ne reposent sur aucun fait tangible et avéré.
Notons également la croyance indécrottable selon laquelle les femmes sont toutes des mères (actuelles ou en devenir), et seraint donc moins productives d’un point de vue professionel, monopolisées par le foyer familial.
Cette croyance aussi surranée qu’elle puisse sembler, se vérifie malheureusement en tant que prophétie autoréalisatrice. Éduquées dès l’enfance à prendre soin des leurs gratuitement et avec bonne volonté, 73% des françaises déclaraient en 2019 en faire beaucoup plus à la maison que leur conjoint. Des chiffres publiés par l’IFOP dont le constat est sans appel :
“Contrairement aux idées reçues, les inégalités de répartition (du travail domestique ndlr) entre les deux sexes ne se réduisent que très lentement. La comparaison des données avec une étude réalisée en 2005 montre que la proportion d’hommes n’effectuant aucune tâche n’a quasiment pas bougé en une quinzaine d’années.”
Pourtant, les femmes sont très nombreuses à tenter de tout mener de front, en élévant l’art du multi-tâche à un sport de compétition. Au risque de leur santé, physique et mentale.
La solution : un vrai congé parental entièrement paritaire et obligatoire
Parmi les mesures concrètes qui pourraient faire évoluer les mentalités et cette réalité : une amélioration et uniformisation du congé parental, que les hommes eux mêmes sont de plus en plus nombreux à réclamer.
Du fait de ses implications juridiques, le sujet peut paraître difficile à appréhender:
D’un point de vue légal, les congés maternité, paternité et parental sont trois choses différentes. Les deux premiers sont généralement obligatoires et rémunérés comme un congé maladie. Le troisième est un complément des deux autres, généralement moins rémunéré, et qui peut être partagé entre les deux parents de différentes manières. Sa durée, son taux de rémunération et son partage éventuel dépendent de la législation en vigueur dans le pays concerné.
Après un premier essai soldé d’un échec en 2008, la commission européenne a de nouveau essayé de légiférer pour un nivellement vers le haut des normes appliquées dans l'UE. Du fait d’une forte opposition au projet, menée entre autres par Emmanuel Macron, la directive finale n’est pas à la hauteur des souhaits de ses porteurs. Elle impose néanmoins une harmonisation et offre la possibilité d’un congé d’une durée minimum de dix jours ouvrables pour "les pères ou, le cas échéant, les personnes reconnues comme seconds parents équivalents par la législation nationale".
La rémunération de ce congé doit être assurée et être équivalente "au moins à ce que le travailleur concerné recevrait en cas d'interruption de ses activités en raison de son état de santé". D’ici au mois d'août 2022, tous les pays devront donc offrir cette possibilité aux pères, qui choisiront alors d’en profiter ou non.
En France le président a annoncé en septembre 2020 qu’en juillet 2021 le congé paternité proposé passerait de 2 à 4 semaines, dont 1 obligatoire. Les femmes, elles ont droit à 16 semaines de congés maternité, dont 8 obligatoires. On peu clairement percevoir ici deux poids deux mesures.
Et quid du congé parental donc ? Il pourrait contrebalancer les inégalités comme c’est le cas en Suède. Si le congé paternité n’y est d’une durée que de 10 jours, le congé parental, d’autre part, offre lui 240 jours supplémentaires à chaque parent, dont 90 jours non transférables. Une pratique qui s’est fait sa place dans la culture du pays, où les jeunes pères profitent naturellement de ce congé, sans impact sur leur carrière.
Revenons à la France. Ici le congé parental n’est pas près de changer la donne. D’une durée de deux ans (certes), il est trop mal indemnisé pour être attractif (l’équivalent d’un tiers de SMIC). 98% des parents qui acceptent de le prendre sont donc, sans surprise, des femmes.
Les meilleurs résultats féminins : l'absurdité du paradoxe
Devant la commission européenne, le président Macron justifiait son refus d’une harmonisation plus progressiste par “une explosion des coûts”. Pourtant, selon Antoine Math, chercheur à l’IRES, avec un congé parental plus équilibré :
“L’emploi global augmenterait et le pays générerait plus de recettes fiscales et moins de dépenses, notamment en prestations de chômage (et secondairement en dépenses de santé)”.
À échéance 2050, la directive européenne qui proposait un congé paternité et un congé parental mieux rémunéré aurait abouti à un accroissement des revenus réels de 0,52% en Europe, avec une augmentation de 1,6 million d’emplois (très majoritairement occupés par des femmes), et de 1,4 million de la population active.
Quant aux patrons qui justifient l’écart de salaire genré par le manque d’investissement des femmes, rappelons que de nombreuses études affirment en réalité que les entreprises dirigées par des femmes ou avec une culture paritaire forte ont tout simplement de meilleurs résultats.
C’est le cas d’un rapport publié par S&P Global en 2019 qui indique que les entreprises dirigées par des femmes obtiennent de meilleurs résultats en bourse que celles dirigées par des hommes.
Même son de cloche du côté de Women Equity qui œuvre à l'accompagnement des PME dirigées par des femmes, qui confirme que les administrations davantage féminisées présentent des résultats financiers supérieurs de 36% à celles gérées par des hommes.
Initier le changement
En attendant que les choses évoluent du côté du congé parental, les entreprises qui veulent faire changer les choses peuvent commencer par suivre les directives du gouvernement mesurées par l’index de l’égalité professionnelles, créé par la loi Avenir Professionnel de septembre 2018.
The Galion Project, la charte réalisée par les entrepreneur-es du Galion est également un excellent outil pour favoriser la parité dans l’entreprise.
Et bien sûr, des organismes proposent des ateliers de sensibilisation ou de formations sur ces sujets pour implémenter des bonnes pratiques aux quotidiens pour favoriser la diversité, l’inclusion et l’égalité au sein des entreprises. C’est d’ailleurs la mission qui a motivé à l’origine la création de Free Voice.